Verlaine emprisonné, Cellulairement
"De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air"
En
lisant cet ouvrage - Verlaine emprisonné,
édité chez Gallimard et imaginé par Jean-Pierre Guéno et Gérard Lhéritier. Il est fruit de l’exposition qui se déroule en ce
moment jusqu’au 5 mai 2013 au Musée des lettres et manuscrits - je
redécouvre ce poète « de la musique
avant toute chose », celui qui parle à nos cœurs avec cette petite
musique éveilleuse de l’âme.
Ce
livre est organisé autour de l’œuvre de Verlaine, de son recueil Cellulairement
rédigé en captivité entre le 10 juillet 73 et le 16 janvier 1975. Verlaine qui
vient de tirer sur son ami Arthur Rimbaud deux coups de feu est incarcéré pour
délit d’homosexualité. Un écrit incandescent va naître alors, Cellulairement. Un
manuscrit découvert récemment par Gérard Lhéritier " 67 feuillets dans lequel le poète exprime
ses rêves, ses fantasmes, son désespoir, ses frustrations, ses remords, ses
espérances, ses évasions poétiques, ses fantaisies, ses théories, mais aussi
l’irruption de la grâce à partir de l’été 1874. "
Ce
livre est beau esthétiquement (le travail du graphiste est remarquable) comme
l’est le
voyage dans lequel il nous entraîne. Nous suivons Verlaine entre dessins, gravures,
feuillets manuscrits…regards croisés, " chants mêlés". Du crime
de l’amour à son chant le plus doux. Des prisons aux mille douleurs, poètes
maudits, au visage pacifié de Verlaine sur son lit de mort, "la dernière
chanson".
La
voix qui l’accompagne tout au long de ce récit en images, de ce chemin de vie
recréé pour nous, est celle, profonde, de Jean-Pierre Guéno. Intense regard de l’ami qui « lit sur les visages comme sur
la peau des parchemins des bibliothèques » qui ne cesse d’interroger pour
nous le poète sur
son chemin de croix, ses réversibilités, et la quête incessante d'une révélation, jusqu'à son cri final.
- Ah! Seigneur , qu'ai-je? Hélas me voici tout en
larmes.
D'une joie extraordinaire. Votre voix
Me fait comme du bien et du mal à la fois,
Et le mal et le bien, tout a les mêmes charmes;
[...]
- Pauvre âme, c'est cela !
Magnifique rencontre et très bel ouvrage que je n'ai pas fini de ressentir!
- Ah! Seigneur , qu'ai-je? Hélas me voici tout en
larmes.
D'une joie extraordinaire. Votre voix
Me fait comme du bien et du mal à la fois,
Et le mal et le bien, tout a les mêmes charmes;
[...]
- Pauvre âme, c'est cela !
Magnifique rencontre et très bel ouvrage que je n'ai pas fini de ressentir!
«(…)
Cellulairement dévoile le centre de gravité, le fil rouge de son existence A
certains égards sa vie n’est qu’une longue captivité. (…) avant tout le prisonnier de ses contradictions, il est la
parfaite représentation existentielle de l’homme enchaîné, du maudit du révolté
bloqué dans la camisole, dans le carcan du pilori de la condition humaine. C’est
ce qui nous rend cet albatros si attachant. Et c’est ce qui rend le chant de sa
poésie à la fois si troublant et si fulgurant. (…) » extrait de la préface - Jean-Pierre Guéno
![]() |
Paul Verlaine, " Au lecteur " manuscrit autographe Cellulairement, [ 1873 ] |
La chanson de Gaspard Hauser
Je suis venu, calme orphelin
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes :
Ils ne m'ont pas trouvé malin.
A vingt ans un souffle nouveau,
Sous le nom d'amoureuses flammes,
M'a fait trouver belles les femmes :
Elles ne m'ont pas trouvé beau.
Bien que sans patrie et sans roi
Et très brave ne l'étant guère,
J'ai voulu mourir à la guerre :
La mort n'a pas voulu de moi.
Suis-je né trop tôt ou trop tard ?
Qu'est-ce que je fais en ce monde ?
Ô vous tous, ma peine est profonde :
Priez pour le pauvre Gaspard.
Paul Verlaine, Bruxelles Cellulairement Août 1873 / Sagesse, 1881.
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes :
Ils ne m'ont pas trouvé malin.
A vingt ans un souffle nouveau,
Sous le nom d'amoureuses flammes,
M'a fait trouver belles les femmes :
Elles ne m'ont pas trouvé beau.
Bien que sans patrie et sans roi
Et très brave ne l'étant guère,
J'ai voulu mourir à la guerre :
La mort n'a pas voulu de moi.
Suis-je né trop tôt ou trop tard ?
Qu'est-ce que je fais en ce monde ?
Ô vous tous, ma peine est profonde :
Priez pour le pauvre Gaspard.
Paul Verlaine, Bruxelles Cellulairement Août 1873 / Sagesse, 1881.
et voici la version créée plus récemment par Chanson Plus Bifluorée
Brigitte Maillard
"Elle est en peine et de passage,
RépondreSupprimerL’âme qui souffre sans colère,
Et comme sa morale est claire !…
Ecoutez la chanson bien sage." P Verlaine-"Sagesse". Merci à toi pour cette lecture et cette invitation à la découvrir. Amitiés.
merci Astrid! Verlaine est un ami de coeur.
SupprimerCe livre, ce qui le sous-tend,
la découverte de ce manuscrit, l'écriture de Verlaine, sa vie si particulière et le texte si profondément sensible de Jean-Pierre Guéno
créent un livre passionnant.
« Pourquoi je bois ? Pour pouvoir écrire de la poésie. » a dit
RépondreSupprimerJim Morrison.
"J'ai commis l'impair pour faire de la poèsie aurait pu dire Verlaine"
Merci Brigitte de nous faire découvrir une autre facette de ce grand poète! Comme quoi les voies du Seigneur sont impénétrables!
! joli Bizak
Supprimerdans tous ses déchirements Verlaine a peut-être rencontré comme le souligne René Guénon dans sa préface "une autre forme d'amour", "une sorte de liaison spirituelle et non plus charnelle". Pour Jean-Pierre Guéno " entre la soif de la rédemption et le vertige de la rechute...les portes du ciel ne se sont pas ouvertes. et celles de l'enfer ne se refermeront jamais"