L'arbre et son rêveur
"Les poètes nous aideront à
découvrir en nous une joie si expansive de contempler que nous vivrons parfois,
devant un objet proche, l’agrandissement de notre espace intime. Écoutons, par
exemple, Rilke, quand il donne son existence d’immensité à l’arbre contemplé. L’espace,
hors de nous, gagne et traduit les choses : / Si tu veux réussir
l’existence d’un arbre, / Investis-le d’espace interne, cet espace / Qui a son
être en toi. Cerne-le de contraintes. / Il est sans borne, et ne devient
vraiment un arbre que s’il s’ordonne au sein de ton renoncement(...)
![]() |
© Brigitte Maillard clic pour agrandir |
Dans les deux derniers vers, une obscurité mallarméenne oblige le lecteur à méditer. Il reçoit du poète un beau problème d’imagination. Le conseil : « cerne l’arbre de contraintes » serait d’abord une obligation à le dessiner, à l’investir de limites dans l’espace extérieur. On obéirait alors aux règles simples de la perception, on serait « objectif », on n’imaginerait plus. Mais l’arbre est, comme tout être vrai, saisi dans son être « sans borne ». Ses limites ne sont que des accidents. Contre l’accident des limites, l’arbre a besoin que tu lui donnes tes images surabondantes, nourries de ton espace intime, de « cet espace qui a son être en toi ». Alors, l’arbre et son rêveur, ensemble, s’ordonnent, grandissent. Jamais l’arbre dans le monde du songe, ne s’établit comme un être achevé." Gaston BACHELARD, La Poétique de l’espace
Commentaires
Publier un commentaire