Les saisons René Le Corre
Ainsi va le temps. La saison revient, la mer
revient, le vent tourne, les oiseaux partent et reviennent. Le temps coule,
porosité sableuse, fuite immobile. Qui a vu passer le temps ? Est-il
tranquille, inquiet, s'arrête t-il ou bien suit-il toujours son cours
imperturbable ? S'arrête t'il pour respirer l'air iodé sur la mer éclatante et
jeune ? S'enroule t-il sur lui-même ? Mais les astres s'éloignent, le temps
s'évanouit dans l'espace, l'épine noire se revêt de splendeur immaculée près
des ajoncs au-dessus de l'écume. Le temps ne s'écoule pas. Il passe très loin,
très vite : nous restons immo-biles, tournant dans nos routines.
A nouveau donc l’été. Il vient, il s’annonce. Le
lotier est en fleur. Les herbes montent avec les ravenelles et les giroflées.
La mer est couleur pâle, presque du marbre un peu teinté si calme. On
s’aperçoit qu’elle descend par la bande de goémons qu’elle laisse sur le sable.
Les pieux sont là, les canots colorés. Un homme lave des poissons, tire son
bateau sur le quai. La lumière change, la mer devient verte, bleue presque
noire selon le regard, l’endroit le moment. (…) Le soleil, comme une lune,
couvert et découvert par le vent nuageux. La mer chante, montant doucement dans
le vieux port, parmi les bateaux et les pieux enfouis dans les rochers. Une alouette tombe,
un peu plus loin, sur son nid. Quelques ombres de mouettes planent. Nous
dormons tranquilles écoutant le chant du monde.
Merveilleux moments où l’été s’affirme, encore
fragile, jusqu’à la stabilité future, royale. Bruissement des feuilles se
retroussant au vent. Jeune frondaison, multiple et vivace. Le goût de vivre, à
nouveau ! L’impatience ou la patience, hivernale, enfin récompensée.
Verdure frémissante, ramure ployées. Chante et trilles dans le feuillage. Et,
devant les petites maisons, les jardins remplis de rose. Le splendide ciel se
dérobe et se dévoile sous les longs nuages qui filent. La vie circule
librement. Volontiers on laisserait tomber les peurs, les précautions et on
partirait, voile au vent, vers le non-fini du monde, aux risques de l’aventure.
René
Le Corre « Les saisons » La Part Commune 2011
René le Corre, poète et professeur de philosophie, est né en 1923 à
Pouldreuzic.
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