Parler peau, Sabine Huynh éditions Æncrages & Co
Monde en poésie a la joie d'accueillir ce nouveau livre de Sabine Huynh Parler peau.
Sabine Dewulf auteur, nous le présente au travers de sa note de lecture.
Cette note de lecture est parue le 2 février 2020 sur le site de Sabine Dewulf, Le Miroir d'or
Cela fait quelques semaines que
je me promène un peu partout avec le "Parler peau" de Sabine Huynh,
paru aux éditions Æncrages &
Co en octobre 2019. Partout, au risque d’en froisser la peau,
justement : ce petit ouvrage, relié par une couture traditionnelle, qui
contient les dessins colorés, parcheminés comme une peau, de Philippe Agostini,
est d’une beauté toute humaine, si proche de ce que nous sommes. Tout nous
invite, ici, à toucher l’épais papier couleur crème, à sentir sous les doigts
le granulé de l’encre, à effleurer la surface plus lisse des dessins, à palper
doucement une couverture qui laisse affleurer la couleur du peintre à travers un
cercle découpé comme un immense pore…
Le titre (j’ai découvert depuis peu à quel point un titre parle
déjà tout entier d’un ouvrage), le titre, donc, contient l’essentiel de ce
livre : Sabine Huynh écrit depuis toute sa peau. Toutes sensations sont invitées,
le froid comme la chaleur ou la brûlure, l'humide et la blessure...
Cet hymne à l’amour physique et sensoriel nous offre un art poétique de la relation intime entre deux partenaires aimantés l’un par l’autre. En ces temps de pessimisme, l’éloge et le chant sont de nature à nous réconcilier avec notre propre monde, extérieur comme intérieur. Parce que l’amour est ici « totalité », don complet de soi, de l’autre : « nous ne sommes presque plus seuls ».
Cet hymne à l’amour physique et sensoriel nous offre un art poétique de la relation intime entre deux partenaires aimantés l’un par l’autre. En ces temps de pessimisme, l’éloge et le chant sont de nature à nous réconcilier avec notre propre monde, extérieur comme intérieur. Parce que l’amour est ici « totalité », don complet de soi, de l’autre : « nous ne sommes presque plus seuls ».
Ce faisant, l’ouvrage me paraît receler une dimension plus
profonde encore, en ce qu’il trace la matrice du lien spirituel à tout autre
que nous : la peau est à la fois frontière et porte. Aucune relation vraie n’en
fait l’économie. En lui redonnant noblesse, puissance et sensibilité, la poète
retisse les liens universels qui rompent toute solitude, précisément. (Le corps
se fait exploration de l’autre corps, qui est lui-même un monde dans le monde,
ouvert au monde : « forêt », « pluie », « ville fardée de poussière », « les
pléiades / de tes mains »…) Qui rompent ou, plutôt, qui montrent que la
solitude est une fausse idée que nous nous fabriquons. Entre je et l’autre la
limite fluctue, les souffles se partagent et « je » se fait « livre » où
l’autre, le tout autre, peut écrire ce qu’il n’a jamais dit.
Je terminerai en précisant combien la langue est belle, elle qui
se passe de ponctuation (hormis quelques tirets), qui rampe comme les doigts ou
les lèvres dans l’inconnu se découvrant, et qui forme de petits carrés ou
rectangles de textes par là même toujours abordables. Comme une langue de
chair, ce langage se déploie, palpitant, en goûtant, testant, creusant, se
faufilant entre les dénominations et même parfois les catégories grammaticales.
Des noms se font alors verbes, la syntaxe s’assouplit et ondule, tour à tour
englobante et ouvrante, « avec l’obstination / imperturbable des / montagnes
qui grandissent / et de la force de vivre qui / sourd – du désir ».
Un livre fort et grand, qui s’emporte partout où nous avons
besoin de nous ressourcer…
Sabine Dewulf
Parler
peau
Poèmes de Sabine Huynh
Illustrations de Philippe Agostini
Exergue
de Philippe Rahmy-Wolff
éditions
Æncrages & Co,
collection Voix-de-Chants. Parution : novembre 2019.
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