Nicole Laurent-Catrice, Pour la vie - lu par Pierre Tanguy
Nicole
Laurent-Catrice : « Pour la vie »
Aphorismes, maximes, exhortations : le nouveau petit livre de la
rennaise Nicole Laurent-Catrice ouvre de larges perspectives. On y parle de
l’amour, de la mort, du mal… Mais surtout de la vie. Autrement dit tout ce qui
doit être au cœur d’une vraie création poétique.
Il faut avoir une profonde expérience de la
vie (et en avoir retenu les leçons) pour s’aventurer dans une telle démarche
d’écriture. Dire en quelques mots – parfois sous la forme d’un conseil avisé –
ce qui doit nous animer vraiment dans la vie. Porter, aussi, un regard
distancié sur le monde et savoir – « plein d’usage et raison » -
faire la part des choses. Au fond, adopter la posture (au bon sens du
terme) d’un sage revenu de toutes les
illusions et désormais à même de délivrer à d’autres son expérience intime. « Il y a pire que la mort/c’est la
mort qu’on élude//accepter sa mort/c’est encore vivre », écrit Nicole
Laurent-Catrice.
Comment, lisant ces mots, ne pas penser à ces
vers du poète persan Yunus Emre, « Ta
mort sera ce qu’a été ta vie,/Demain, ce qu’a été aujourd’hui ».
Comment, aussi, ne pas évoquer François
Cheng pour qui la mort fait partie de la vie comme il le dit dans son livre Cinq méditations sur la mort autrement dit
sur la vie (Albin Michel). Car pourquoi ne pas dire ici que les courts textes
de Nicole Laurent-Catrice s’inscrivent dans la lignée de tous ces grands
auteurs qui nous délivrent de vraies leçons de sagesse. Citons Tchouang-Tseu,
le taoïste : « S’intérioriser
sans exagération/s’extérioriser sans démesure/savoir se tenir au juste
milieu/ce sont là trois éléments d’essor ». Nicole Laurent-Catrice le
dit d’une autre manière :
« Celui qui s’avance derrière/un tonnerre de décibels/n’a pas
l’assurance/de celui qui s’appuie le dos au pur filet de sa voix »
Pourquoi, la lisant, ne pas penser aussi aux quatrains d’Omar Khayyam. « Mal et bien se disputent le
cœur ;/Tristesse et joie sont le lot de chaque homme./Ne vis pas dans la
crainte des planètes/Elles sont mille fois plus impuissantes que nous ».
A propos, précisément, du bien et du mal, Nicole Laurent-Catrice écrit pour sa
part. « Faire le mal/et dire que
c’est la bien/c’est un double mal.// Est-ce cela le péché/contre
l’esprit ? »
Cette filiation avec les
penseurs, poètes ou philosophes vivant sous d’autres cieux, à d’autres époques,
ne doit pas nous empêcher d’écouter la partition originale de l’auteure. « Ecoute,/le secret est dans la
distance.// Quand tu fais corps/avec l’autre/c’est toi que tu aimes encore.//
Seule la distance te rend proche ». Une manière (très bretonne ?)
d’exprimer sa réserve et sa pudeur, à moins qu’il ne s’agisse de faire valoir
sa liberté foncière face aux injonctions de la collectivité dans laquelle on
vit (un conseil sur la « distance »,
qui prend, en tout cas, une tonalité particulière à l’aune des événements
actuels). Et que dire de ces quelques lignes : « Les femmes dites libérées/s’empressent d’abdiquer/leur liberté
nouvelle/entre les bras d’un tyran.// la femme vraiment libre n’a que des
compagnons ».
Pour ce qui est de la poésie, Nicole Laurent-Catrice a cette définition
qui vaut largement celle que l’on peut trouver dans des ouvrages prétentieux
sur le sujet. « Poésie/le doigt
posé/sur la plaie vive.//Elle panse sans y penser ». Une assertion qui
rejoint, dans sa simplicité et sa beauté, celle de Guillevic : « La poésie/c’est autre chose ».
Pierre TANGUY.
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