Serge Venturini, Du fleuve débordant Du fleuve sans retour
On
n’aborde pas la poésie de Serge Venturini sans crainte, tant "le personnage"
revêt une couleur libertaire.
J’ai rencontré Serge Venturini sur le réseau twitter. Les lectures de Gilles-Claude
Thériault sur you tube m’ont fait découvrir ses
écritures -
Gilles-Claude Thériault offre sur sa chaine you tube les lectures de poètes
aimés - les articles de Gil Pressnitzer sur Esprit nomades ont accompagné ma découverte.
« Serge Venturini est un poète aux aguets. Aux aguets
du feu qui couve au loin, aux aguets du feu qui brûle en lui. « Nuage
rouge », comme on le surnomme, Serge Venturini n’est pas un brasier de
colère, mais un éveilleur de lucide conscience. Ses traductions d‘Alexandre
Blok, d’Anna Akhmatova, de Sayat-Nova et d’autres, ses hommages à Missak
Manouchian, renseignent sur son empathie pour « la poétique de
résistance », vers ceux qui se tiennent debout à l’orée des mots.
Mots d’éclairs destinés à consumer tous les hommes de
paille squattant l’humanité. » Gil
Pressnitzer
Serge venturini, Poète porteur du feu de la parole
Écrire c’est brûler
vif, mais c’est aussi renaître de ses cendres.
Blaise Cendrars, L’Homme foudroyé, 1945
"DU
FLEUVE DEBORDANT
DU FLEUVE SANS RETOUR"
(essai en poésie)
–
postface de Philippe Tancelin
ed. L’Harmattan 2018. 15 €.
est le quinzième
ouvrage du poète.
J’ai cru que le monde était en ébullition !
C’est avec une force, il faut bien le dire, sans pareille, que le poète lance sa
parole devenue fleuve-poème – comme le
nomme Philippe Tancelin dans sa postface éclairante - sur les rives de ces 136
pages.
Livre ouvert, reposé, fermé, repris, déconcertant,
au bord de l’asphyxie parfois, tant le souffle de l’auteur est animé par la puissance
de l’être. Ce livre « venu avec le printemps et parti avec la fin de l’été.
[Avril à mi-août 2016] » nous entraîne dans
les courants du fleuve sans aucune possibilité d’accoster. Ici, nous ne nageons pas dans les plumes. Ce n’est ni une
ballade poétique, ni une flânerie douce et tranquille, mais une éruption. L’écorce
terrestre s’est fissurée et le magma de l’intérieur de l’être a donné naissance
à cette œuvre dont on aimerait qu’elle puisse être mise en
scène. Un rythme la soutient de bout en bout. « Un fleuve et son miroir, sa musique, avec ses remous et ses
ressassements, ses tourbillons et ses courants, ses langages » (quatrième de couverture). C'est étrange et rayonnant.
« La poésie du fleuve a ses longs
souffles — ses scansions et ses périodes (…) Le fleuve est au profond du cœur des
hommes — La poésie du fleuve traverse l’âme (…) Le fleuve traverse mon corps — (…)
Dormeur éveillé avec son immense corps. — Or
voilà le fleuve, ce rêveur lucide. — Avec ses eaux dormantes, ses eaux
cauchemars. — Matière dissoute, fracassant silence. — Qui dira la torpeur du
fleuve assoupi ? — L’éveil de sa conscience vient avec le jour. — Il
médite une autre humanité. — Ne sentez-vous pas la lame de fond monter ? —
Du fond des fleuves naissent forces et tensions. — (…)
— Ecrire le fleuve. Le grand fleuve libre. —
Majestueux. Dans sa trace, sa mémoire. — Le fleuve dans son libre cours, dans
sa gloire. — Dans son baroque .— Sa course. — Lors qu’il traverse le temps,
glisse sur la mort. — Au fil sinueux de ses métamorphoses. (…)
— Le fleuve ne peut pas échapper au mythe —
bien au contraire, il le révèle au jour. — Il le révèle à la présence, la vie.
— Donnez-moi un peu de cette fraîcheur d’aube — du jour nouveau avec le retour
des oiseaux ! Que je voie le fleuve sortir de son sommeil ! — Afin qu’il
redevienne force et action. Conscience dans le présent, soluble, fondu — dans l’avenir
quand je me souviens du futur. — (…)
Mon oreille ce soir a besoin de douceur. — Et
elle ne supporte plus l’enfer des humains. — Le fracas des fers frappés, le
bruit d’enclume. — Le fond du fleuve est glacé de secousses — l’esprit alourdi
rêve de légèreté — d’envol, aux sons d’un poignant et profond doudouk — même si mon verbe a l’éclat des
forges. — Mon souffle celui du nostalgique exil. — Je ne suis pas un homme du
couchant, mais homme — du levant et même homme de l’élevant. — Nous sommes dans l’urgence de la surrection. — Les hommes du fleuve — vont toujours de l’avant. — Or
sans retour, ils vont vers d’autres aurores.
Commentaires
Publier un commentaire